Apprendre à surfer sur la complexité avec Thomas Laborey, Blooming Partners

Chez Talkspirit, nous rencontrons des partenaires qui aident les organisations à évoluer dans un monde incertain, complexe et en pleine transformation. Dans cet échange, Thomas Laborey, associé de Blooming Partners, partage son regard sur les mutations sociétales, technologiques et managériales, et sur les nouvelles façons de décider, d’apprendre et d’agir ensemble.
1. Qui est Thomas Laborey et qui sont Blooming Partners ?
Thomas Laborey: Je suis quelqu’un qui a passé toute sa carrière dans le conseil en management. En 2014, avec quelques amis qui étaient dans la même situation que moi dans d’autres cabinets, nous avons senti que les grands cabinets passaient à côté d’un virage sociologique important. Les attentes des collaborateurs, des clients et même des actionnaires évoluaient profondément, alors même que de nouvelles approches et de nouvelles méthodes apparaissaient partout.
Nous nous sommes dit qu’il fallait à la fois revenir aux fondamentaux de notre métier, comme le devoir de conseil, le sur-mesure et l’engagement personnel, mais aussi s’adapter à ces transformations sociologiques, géopolitiques et technologiques. De là est né Blooming Partners, un atelier d’innovation managériale. Notre raison d’être, c’est de butiner dans les modèles émergents les pollens de votre croissance soutenue.
Nous avons deux particularités. La première est que nous intervenons en communauté d’affaires (BuddyTree) avec d’autres entreprises de services professionnels, pas forcément des cabinets de conseil, mais dont les dirigeants partagent nos conclusions et nos valeurs. En réalité, ce sont souvent des amis personnels de longue date. La deuxième est que nous sommes adossés à un think tank non lucratif reconnu d’intérêt général, MétaMorphoses, qui identifie et promeut les modèles émergents créateurs de valeur sociétale.
2. Quels sont les principaux défis auxquels les organisations sont confrontées aujourd’hui ?
Les défis ne sont pas nouveaux. Ce sont des manifestations en cascade de quelques racines profondes. Au début des années 2010, nous avons senti que quelque chose bougeait. Nous avons interrogé nos amis historiens, qui nous ont expliqué que, tous les cinq siècles, le modèle occidental se réinvente totalement. Le système de valeurs et même l’identité sont redéfinis. La dernière fois, c’était la Renaissance, il y a environ 500 ans.
Mais ce que nous disons à nos clients, ce n’est pas cela. Nous leur disons qu’en 2008, il y a eu une triple rupture. La crise des subprimes a montré que la financiarisation de l’économie pouvait stopper du jour au lendemain la croissance d’entreprises pourtant profitables. En parallèle, une classe d’âge entière, les Gen Y ou Millenials, arrivait sur le marché du travail en pensant que de bonnes études garantissaient un emploi pour longtemps. Sauf qu’au moment où ils arrivaient, les entreprises leur disaient qu’elles ne pouvaient plus recruter.
Cette génération s’est donc réorganisée en marge du modèle traditionnel en utilisant les technologies qu’elle maîtrisait seule. Cette même année, il y a eu l’explosion des médias numériques, qui ont transformé la manière de communiquer, de consommer et de travailler. En 2008, nous avons basculé dans un monde où les crises ne sont plus prévisibles, où les nouvelles générations inventent leurs propres réponses, et où la technologie devient le moteur principal de ces transformations.
C’est ainsi qu’est apparu le monde VUCA, puis BANI (fragile, anxiogène, non linéaire et incompréhensible). Les attentes sociétales changent. Les notions de succès, d’entreprise, d’État ou de famille sont redéfinies en profondeur. Les vagues technologiques s’enchaînent rapidement, de la data à la blockchain, de la réalité augmentée à l’IA générative.
Dans ce monde, les dirigeants nous disent qu’ils sont désemparés. Ils ne comprennent plus leurs collaborateurs, ne savent plus ce que veulent leurs clients, ne savent plus quels choix faire dans le foisonnement d’innovations managériales et technologiques.
Fondamentalement, ils nous disent qu’ils sont perdus et qu’ils ont besoin d’aide pour naviguer.
3. Comment aidez-vous les organisations à se transformer ?
Nous avons un triptyque d’approche. La première étape consiste à identifier ce dont l’entreprise n’a plus besoin. Beaucoup de règles, d’indicateurs ou de modes de fonctionnement ne sont plus nécessaires. Parfois, en s’en débarrassant, tout continue à fonctionner et on libère du temps, de la bande passante, des coûts et de l’espace pour autre chose. Mais c’est rare. Le plus souvent, cela crée un vide. Ce vide devient une opportunité pour se demander par quoi remplacer ce qui vient d’être retiré.
La deuxième étape consiste à réfléchir en intelligence collective. Le monde est trop complexe pour qu’une seule personne puisse prendre les bonnes décisions seule. Il faut ouvrir les comex, consulter les collaborateurs, discuter avec les pairs, les partenaires, et en tirer un véritable bien commun. Il ne s’agit pas de l’intérêt individuel du dirigeant, mais de l’intérêt long terme de l’organisation, tel que plusieurs personnes peuvent le comprendre ensemble.
La troisième étape consiste à nourrir cette réflexion collective. Les méthodes traditionnelles comme les études ou la prospective prennent trop de temps dans un monde qui change si vite. Nous privilégions l’observation des usages. Les usages, ce ne sont pas des besoins exprimés ou des demandes. Ce sont des comportements observés.
À partir de ces observations, on se demande ce qu’on ne fera plus et ce qu’on va mettre à la place, en s’appuyant sur les valeurs et la raison d’être de l’entreprise.
Pour activer ce cercle vertueux, nous utilisons beaucoup la ludification. Nous plaçons les équipes dans un scénario fictif, comme une base spatiale dont l’orbite se dégrade. Les rôles changent, les responsabilités ne sont plus les mêmes, ce qui ouvre un nouveau regard et facilite un véritable travail d’intelligence collective.
4. Quels sont les changements de posture mentale nécessaires ?
Nos élites ont été formées à gérer des problèmes compliqués, comme un avion qu’il faut maintenir en vol en jouant sur des paramètres multiples et subtils. Mais aujourd’hui, nous sommes dans un monde complexe où il est impossible de prévoir précisément ce qui va se passer, même avec un modèle sophistiqué.
Nous avons aussi appris à penser les problèmes comme des équations dont la solution est déterminable. Ce n’est plus vrai.
Aujourd’hui, il vaut mieux embrasser l’imperfection, accepter de fonctionner avec une solution acceptable mais imparfaite, avancer, corriger en route et reconstruire en permanence.
Je constate également un divorce au sein des entreprises. Les dirigeants ont souvent l’impression d’être trahis et isolés. Les collaborateurs, eux, ont le sentiment que les promesses ne sont plus tenues. Les ordres sont contradictoires, l’effort augmente tandis que la rémunération et le sens diminuent.
Ce que nous rappelons, c’est qu’il n’existe pas d’entreprise sans collaborateurs. Il faut retrouver le bien commun, redéfinir les contrats sociaux, internes comme externes, et clarifier les fondamentaux qui permettent de restaurer la confiance.
5. Quel rôle joue la technologie ?
Depuis quinze ans, on observe une inversion. L’innovation technologique ne vient plus d’abord de l’État ou des grands programmes industriels. Elle vient d’usages personnels, inventés par des individus pour eux-mêmes, puis adoptés par les entreprises, puis par toute la société.
Aujourd’hui, il n’existe plus de stratégie d’entreprise qui puisse être pensée sans technologie. La technologie n’est plus un simple enabler, c’est une dimension fondamentale.
On ne peut plus mettre en place une stratégie business sans intégrer nativement l’IA générative et les processus qu’elle permettra de motoriser.
6. Un moment où les choses sont devenues concrètes
Je préfère ne pas raconter l’histoire de nos clients. Je peux raconter ce qui s’est passé chez nous.
Nous avons rapidement mis en place un rituel où, trois fois par an, tous les collaborateurs se réunissent physiquement pour proposer des transformations internes sous forme de benefit cases.
Ils identifient les gains possibles en termes de turnover, d’absentéisme, de notoriété, de cycle commercial ou de rentabilité. Nous nous engageons ensuite sur les moyens.
Chaque année, un à trois projets sont votés, non pas selon les parts détenues mais à main levée, selon une conviction qu’ils sont intéressants et atteignables.
Cela nous a permis d’adopter la semaine de quatre jours, de basculer dans un espace de travail virtuel, puis d’adopter progressivement une organisation sociocratique 3.0 et d’aller au bout des pratiques que nous recommandons à nos clients.
7. Quel conseil donner aux leaders ?
J’aime beaucoup deux citations. Celle de Marie Curie : "rien n’est à craindre, tout est à comprendre".
Et cette phrase d’une vieille publicité allemande : "laissez-vous surprendre".
Dans un monde aussi perturbant, ne vous forcez pas à suivre la courbe du deuil ou à passer par toutes ses étapes. Acceptez ce qui vient, faites confiance à votre génie, à celui de vos équipes et de vos partenaires, et soyez ouverts aux solutions qui émergent, même si vous ne les comprenez pas encore.
8. Quelles questions continues-tu à te poser ?
Je me demande quel est l’avenir d’un cabinet de conseil. Nous sommes comme des dentistes. Si nous faisons bien notre travail, nos clients n’ont plus besoin de nous. Mais il y a toujours de nouveaux défis.
Je m’interroge aussi sur l’impact de l’IA générative. Elle simule des conversations de manière très convaincante. En quoi nous différencions-nous d’elle ? Nous apportons notre vécu, notre capacité à sortir du dataset, notre expérience incarnée. Mais je m’interroge.
Quel sera le futur du conseil dans dix ans ? Je ne sais pas.
Conclusion
Ce que partage Thomas Laborey illustre profondément la réalité des transformations actuelles. Apprendre à surfer la complexité, accepter l’imperfection, agir en intelligence collective et s’appuyer sur des usages réels plutôt que des projections incertaines sont des leviers essentiels pour transformer durablement nos organisations. Blooming Partners en fait l’expérience au quotidien, en appliquant à eux-mêmes ce qu’ils proposent à leurs clients.

























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